Le surf a traversé les cinq dernières décades sur un imaginaire, souvent idéalisé par les surfers eux-mêmes, les médias et les marques : le surf est une forme de contre-culture sportive, voire une contre-culture en lui-même, une façon de fuir la société et d’aller au devant du monde, le surf n’est pas qu’un sport, c’est un univers, le surf est un « style de vie ». Il est synonyme de bout du monde, de chaleur, de jeunesse, de vagues de rêve et de corps parfaits.
Dans une certaine mesure, cela a été vrai, l’est toujours, le sera encore. C’est aussi une «construction» très australo-américaine. Pour combien d’hommes et de femmes, le surf est-il réellement un style de vie et qui sont les «élus» ? A l’inverse, que propose t-on aux autres dont la passion n’en est pas moins légitime ? La vision élitiste du surf est-elle incompatible avec d’autres formes de pratique. Nous pensons que la réponse est non, c’est un des moteurs du projet Okahina Wave. L’Europe avance depuis quelques années vers sa propre vision du surf. Les italiens de Block10 réconcilient la culture méditerranéenne et le surf, les anglais de Finisterre pense que le surf en eaux froides est un surf à part entière, et il y a d’autres exemples.
Prenons encore plus de recul et regardons l’exemple du snowboard. Même si le freeride reste un idéal très fort dans l’imaginaire du surf des neiges, la sortie du film « The Fourth Phase » avec Travis Rice en est un exemple, la culture urbaine s’est massivement invitée dans la pratique du snowboard. C’est l’influence du skate qui s’est avérée la plus importante. Les nouvelles générations ne viennent pas en montagne pour les mêmes raisons que leurs parents. La sensibilité outdoor, le goût pour l’immersion dans la nature, la contact avec la montagne ne sont pas leur motivation première. La montagne est devenue un skate park géant. Par capillarité culturelle, on observe une influence similaire dans le ski. Revisionnez « Tracing Skylines » de Poor Boys Production pour vous en convaincre. Les riders font du ski freestyle dans les ruines des usines de Détroit. Beaucoup d’autres vidéos témoignent de l’influence de la culture urbaine dans le ski et personne ne songe à dire que c’est un blasphème.
Les vagues artificielles vont se développer. Parce qu’elles ne s’opposent pas aux valeurs du surf mais représentent une alternative. La vague est une ressource naturelle. Elle est renouvelable mais imprévisible et limitée. Savoir « fabriquer » des vagues, va permettre de répondre aux besoins d’une nombre grandissants de surfers, d’amener le surf à proximité ou au cœur des villes, rendant ainsi possible une pratique plus pragmatique et plus accessible. Vous ne prendrez plus 5 vagues mais 50. Vous pourrez améliorer votre technique, mesurer vos performances, des liens entre le surf et l’e-sport se créeront. Les conservateurs, nombreux chez le surfers diront que c’est « mal, mais c’est juste l’avenir. La vague artificielle va permettre de redessiner les contours du surf et d’une certaine façon, de le moderniser. Ce n’est pas un problème, après tout, le surf de L’ASP et de John John Florence n’est pas celui de Mickey Dora ou de Nat Young. Le surf a toujours évolué.
Illustration DEIS