L’intérêt de la vague artificielle ne fait plus de doute. Chacun peut apprécier ou pas, mais cette innovation augmentera l’univers du surf. Dans le monde de demain l’homme devra s’évertuer à ne pas répéter les erreurs du passé. La vague artificielle permettra de surfer plus souvent, de développer une autre facette du surf, mais aussi d’apprendre à être à l’aise dans l’eau, d’acquérir les fondamentaux de la nage dans l’eau en mouvement. Elle permettra aussi d’aller surfer plus souvent sans imposer à la planète de couteux déplacement en impact carbone. C’est une des raisons pour lesquelles le surf en artificiel deviendra aussi « normal- que la grimpe en salle.
La vague artificielle a un rôle à jouer dans le monde de demain, nous en sommes persuadés mais pas à n’importe quel prix. Ce point est capital. Le surf est une activité ludique, même si elle peut sembler souvent vitale à certains passionnés. Mais l’hédonisme ne justifie pas tout. La question centrale est donc, comment doit-on générer des vagues artificielles, et n’ayons pas peur des mots, dans quel cadre éthique.
Aujourd’hui déjà, les premières générations de vagues artificielles changent la perception du surf. On observe bien l’engouement qu’elles suscitent. Grâce à son imagination et à sa capacité à inventer, l’homme s’offre à nouveau un luxe et élargit son champ d’action. La vague est une ressource naturelle rare, créons là de toute pièce et multiplions là. Peu importe le prix. Construisons des bassins immenses, remplissons-les d’un volume d’eau potable invraisemblable, dépensons des quantités importantes d’énergie pour ce que la nature nous offre gracieusement mais que nous considérons trop rare, pas assez domestique, non conforme à nos exigences et nos impatiences. Appelons ça le « progrès », mettons des panneaux solaires pour faire bien et donner une touche d’écologie.
Le surf est un sport fabuleux. Initialement, il demande de l’humilité, beaucoup d’humilité face aux forces de la nature. La vague artificielle est une belle promesse, une technologie qui nous le répétons peut s’inscrire dans une forme de modernité du surf. Mais à la condition de faire preuve d’intelligence, une intelligence qui comprend que l’homme n’est pas maître de la nature, qu’il en est seulement qu’une composante, que tout est interdépendant et que la seule loi qui nous gouverne est celle de la causalité. Une intelligence qui comprend que l’avenir de l’humanité dépend du présent et que tous nos projets doivent être entrepris avec une conscience des conséquences à long terme. Il nous faut adopter une vision «holistique». Apprenons de nos erreurs. A l’heure où le climat et la préservation de la biodiversité sont au centre de nos préoccupations, à l’époque où il faut prendre conscience de l’urgence de changer de modèle, projetons-nous dans de nouveaux modes de fonctionnement, adoptons le « Progrès de l’Esprit » que Stéphane Hessel aurait aimé voir inscrit à l’article 27 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme à côté du progrès scientifique.
N’enfermons pas le surf dans une logique ancienne. La vague Okahina a été imaginée sur d’autres bases. Elle ne nécessite pas de béton, elle ne nécessite pas de ressources en eau potable, au contraire. Puisqu’elle vient se greffer sur des plans d’eau naturels, elle ne nécessite pas de filtrage, ni de traitement. Son impact peut même être positif puisqu’elle va servir à oxygéner des lacs si malmenés par la hausse des températures. La technologie de son générateur la rend peu consommatrice d’énergie. Enfin, elle est facilement démontable, n’impactant pas durablement les paysages. Demain, une installation ne devra plus être définitive mais furtive.
La vague artificielle n’est pas une nécessité vitale, c’est un nouveau jouet. Elle nous interroge sur notre capacité à vraiment nous remettre en cause. Veut-on vraiment changer de monde ?