Enquête wave pool, wave cool? 3/4

Le journaliste Marc-Antoine GUET du magazine Surf Session a réalisé une enquête longue et complète sur le phénomène émergeant des piscines à surf. Il évoque également l’alternative Okahina Wave, un atoll flottant qui permet de créer la 1ère vague de surf écologique.

Lien vers l’épisode 1/4

Lien vers l’épisode 2/4

EXTRAITS

« QUID DE L’ENVIRONNEMENT DANS TOUT CELA ? »

Suite à la question posée par Marc-Antoine GUET.

Surf Session – Chaque surfeur le sait, pratiqué dans un environnement naturel, le surf est un sport exigeant qui demande des années de pratique. Or tout le monde ne vit pas près de l’océan. Les conditions météorologiques (houle, vent, marée … ) sont rarement optimales. Le surf est victime de son succès et la plupart des spots sur la planète sont maintenant surpeuplés. Tensions à l’eau, risques de collisions, frustrations, piétinement de plus en plus important des espaces naturels tels que les cordons dunaires engendrant par conséquence une dégradation des sites … Rien de bien nouveau mais le phénomène grandit.

Le surfeur emblématique breton Ian Fontaine partage ce constat – « Il faut aussi réfléchir au problème de l’accès à la mer. En France, on est étouffé dans certaines zones. Il suffit de voir le Sud-Ouest. Des gens ne surfent plus car il y a trop de monde à l’eau. On peut très bien aller nager en rivière et aller nager dans la piscine municipale. Surf et vagues artificielles ce n’est pas incompatible. Le surf ce n’est pas que des mecs qui habitent à côté de la mer et qui ont accès à l’eau. Les surfeurs viennent aujourd’hui de partout. Ils ont eux aussi le droit à l’accès à la pratique. Par contre, il ne faut pas des projets non contrôlés. Il faut des experts qui s’assurent du bon fonctionnement, et qu’un cahier des charges soit respecté. Éthiquement et écologiquement parlant, il faut que ça tienne la route.
…. On fait du surf, on est des sportifs de la mer; on est censé évoluer dans un environnement sain, avec une éthique particulière. C’est important d’avoir des projets en lien avec l’environnement dans lequel il se situe et avec le moins d’impact possible…. Les retombées doivent bénéficier à l’économie du coin et aux surfeurs du coin
».

Surf Session – Un argument qui va dans le sens de celui défendu par Jean-Luc Arassus, Président de la Fédération Française de Surf – « La Fédération est proche des structures locales (clubs, ligues, comités) et ne prendra jamais une décision de soutenir tel projet ou tel autre si l’environnement du surf local est contre. La Fédération est toujours là pour aider et être attentive aux projets des territoires».

Mais pour Francis Distinguin, c’est bien plus complexe – « Quand on voit les contraintes d’hygiène et de sécurité aujourd’hui dans les piscines, je ne sais pas comment ils vont faire. Un oiseau tombe dans le bassin, faut le vider ».

Surf Session – Alors que faire ? Selon Marc-Antoine GUET le surfeur, par définition, est une espèce de moins en moins rare qui fait quo­tidiennement face à ses contradictions. Depuis plusieurs décennies déjà, sa proximité avec l’océan lui a donné une conscience et une sensibilité écologique importante. Pourtant, le surfeur utilise chaque jour des combis en néoprène et des planches en polyester. Sans parler des déplace­ments en voiture et en avion … Quelle légitimité pour venir donner une leçon de morale ?

Ian Fontaine en est conscient et ne se cache pas – « Entre surfeurs, le vrai débat est plus sur le type de construction que sur le fait d’être pour ou contre les vagues artificielles. Mais on est constamment face à nos contradictions. On voyage beaucoup et notre empreinte carbone est énorme. On ne peut pas être des écologistes dans l’âme sinon on arrêterait de faire ça. Aujourd’hui, celui qui peut donner des leçons, c’est celui qui habite face au spot, qui va surfer en vélo, sans prendre de voiture et qui ne surfe qu’ici. Et encore, même ce mec utilise probablement des combis en néoprène et des planches en polyester. Le pain de mousse ce n’est pas mieux. Il ne faut pas se mentir et peut-être commencer par ça. »

Surf Session – Et la planète est là pour nous rappeler à l’ordre. Quand Dame Nature reprend ses droits, les piscines à vagues peuvent aussi en payer le prix. En atteste ce qui s’est passé en janvier dernier en Australie, quand la première vague artificielle commerciale a dû être fermée plusieurs jours après que les intempéries ne soient venues salir ses eaux. La tempête de poussière a engendré de la boue, transformant l’eau translucide du complexe, en bouillie marron.

Mais au-delà du volet environnemental et de l’objectif sportif, que disent vraiment les vagues artificielles de notre société ? Ne seraient-elles pas simplement le reflet de l’Homme d’aujourd’hui ? La magie du surf est intrin­sèquement liée à cet ensemble de paramètres incontrôlables qui, rassemblés à l’instant T, vous offre l’inattendue surprise d’une bonne vague.

Selon Damien Castera : « Dans l’océan, le surfeur travaille sa patience, son abnégation. Il est mis en haleine devant l’imprévisible nature. Au peak, l’attente devient une vertu qui per­met de se projeter, d’espérer, de rêver. Elle est un temps où tout est possible puisque rien n’est prévu. Toutes ces notions ne sont plus dès lors que l’on plonge un orteil en piscine. La relation entre l’Homme et la Nature disparaît, le sens marin devient superflu, la vague surfée n’est plus que la récompense d’une bourse bien remplie. En piscine, la vague devient un objet consommable, minutieusement réglé par la main de l’Homme ».

Surf Session – Pour autant, le tableau serait-il si noir ? L’espoir de voir un jour naître un projet plus vert serait-il si loin ? Pas si sûr.

La suite demain dans l’épisode 4/4

Lien vers l’épisode 1/4

Lien vers l’épisode 2/4

Retrouvez ce dossier de 12 pages en intégralité dans le N°375 du magazine Surf Session (avril-juin) disponible chez votre marchand de journaux. Vous pouvez le commander également en ligne sur shop.surfsession.com