L’atoll flottant Okahina Wave, le « game changer » face aux piscines à vagues artificielles

Extraits de l’article de David MICHEL du 10 août 2024

 

Depuis le dévoilement bluffant en 2015 de Surf Ranch, une piscine à vagues géante (700m de long) imaginée et conçue pendant plus de dix ans par l’icône Kelly Slater, les vagues artificielles ont envahi le monde. L’Australie, les États-Unis, le Japon, la Chine, la Malaisie, Dubaï, Abu Dhabi, l’Afrique du Sud, l’Angleterre (Bristol) et même la Suisse (Sion) ont cédé à la tentation. Depuis? Les surfeurs n’habitant pas au bord de l’océan rament dans le désert. Ces quinze dernières années, une multitude de projets de piscines à vagues – Soustons (2013-2014), Saint-Geours-de-Maremne (2014-2015), Bordeaux-Bruges (2015-2019), Lacanau (2018-2019), Lit-et-Mixe (2017), Sevran (2017-2021), Castets (2018-2023), Saint-Père-en-Retz (2019-2022) et Saint-Jean-de-Luz (2020) – ont pourtant tenté de voir le jour, mais aucun n’a réussi à émerger. Tous se sont noyés. 

L’atoll flottant Okahina Paris – Torcy

Malgré cette incapacité chronique à relever le défi, deux projets aux conceptions idéologiquement éloignées tentent actuellement de voir le jour. D’un côté celui du surfpark de Canéjan, en Gironde, de l’autre celui d’Okahina au Futuroscope, près de Poitiers. Les deux patinent, mais pour des raisons différentes. 

Celui de Canéjan cristallise depuis plus d’un an des tensions soutenues entre les fondateurs et plusieurs collectifs ou associations écologiques. Ils sont vent debout face à des problématiques de non-transparence de données. « Ils ne maîtrisent pas leur dossier, leur communication est fallacieuse, c’est de la manipulation, attaque Steven Lebel, membre de l’association Synapse Crew. On a besoin d’être rassuré avec des données certifiées par huissier de justice. Sans ça, on peut imaginer un impact négatif sur l’environnement. Jusqu’ici, c’est très opaque. » Alors qu’un permis de construire a été accepté par la mairie, un recours administratif est en cours d’instruction depuis 2023 pour le faire annuler. La décision du juge n’est pas attendue avant 2025. Poussés par un optimisme inébranlable, les promoteurs ciblent une ouverture en 2026.

Si elles craignent un impact sur la biodiversité, les associations sont particulièrement focalisées sur la gestion de l’eau, denrée de plus en plus rare en raison du dérèglement climatique. Les porteurs du projet, qui se défendent d’aller pomper dans les nappes phréatiques, proposent une autonomie rendue possible via une récupération de l’eau de pluie grâce à 20.000 m2 de toitures industrielles, sans compter 20000 autres mètres carrés à disposition en réserve. Mais un premier bilan hydrique des bassins, réalisé par un spécialiste en écologie physique, prévoit une consommation entre 136.000 à 183.000 m3 d’eau par an, d’où un risque de dépassement du plafond autorisé par la préfecture. La consommation annuelle en énergie, elle, fait également débat: une estimation envisage 3.891.250 KWh (1.470.000 KWh pour une piscine municipale bassin 50 m) et un coût annuel de 622.560€.

La Fédération française de surf verrait d’un bon œil un projet sérieux et durable, prioritairement pour améliorer la performance. Mais pas à n’importe quel prix. Au départ soutien de Canéjan, l’instance a depuis politiquement fait un sérieux pas de côté. « Nous ne sommes pas dans une posture de rejet des projets et on n’a aucune hostilité contre les promoteurs de Canéjan, explique Jacques Lajuncomme, président de la Fédération. On considère que les vagues artificielles sont des équipements sportifs, elles ont leur utilité. Mais dans le prérequis, il y a l’application des normes Afnor (Association Française de Normalisation). Ensemble, on a posé des règles et on attend, à la Fédé, qu’elles soient respectées. Si elles ne le sont pas, on ne peut pas donner notre soutien. Et on travaille avec le ministère des Sports sur la sobriété hydrique. Tant qu’on n’a pas la transparence totale sur la consommation d’eau, avec des compteurs (piscines, douches, restauration), on ne peut pas s’engager en faveur d’un projet. S’il doit sortir quelque chose, autant que cela soit un projet vertueux et inattaquable. » 

Si l’environnement est souvent en première ligne, le volet sanitaire n’arrive pas loin dans les préoccupations prioritaires. Surtout depuis un décès dans la piscine de Waco, au Texas. « On ne peut pas envoyer des pratiquants dans une eau qui risque d’avoir des problématiques sanitaires, comme ce fut le cas à Waco, prévient Steven Lebel. Sur ce point-là non plus, Canéjan n’est pas transparent. »

L’atoll flottant Okahina Futuroscope

À la tête d’Okahina, Laurent Héquily mise sur un changement total de paradigme avec un concept vertueux axé et basé sur « le bon équilibre des milieux naturels ». Question sémantique, on ne parle d’ailleurs pas de « piscines à vagues » mais plutôt de « vagues artificielles » déferlant sur des atolls flottants, plans d’eau existants qui ne consomment donc pas une goutte d’eau. Ce qui induit par ailleurs aucune artificialisation des sols et une empreinte carbone très faible (20 tonnes de CO2 par an, soit celle moyenne de deux Français). Sa puissance consommée annuelle est estimée à 404.690 KWh et 64.750 €. Ces dernières années, des projets Okahina ont été annoncés au Futuroscope, à Libourne et sur le lac de Torcy, en région parisienne. Pour l’heure, aucun n’a vu le jour, alors qu’un nouveau va être annoncé en septembre en Île-de-France. « On avance, mais pas comme on l’imaginait, avoue Héquily. Il y a eu le Covid, et en France, administrativement, c’est compliqué. »

Le projet du Futuroscope est toujours sur les rails, une finalisation est espérée dans l’année. « On a toutes les autorisations, ajoute Héquily, qui s’attache à boucler la phase finale de son tour de table… autre nerf de la guerre. Ça prend du temps parce que c’est innovant, assure l’entrepreneur. Dès que tu mets de l’innovation dans de l’infrastructure, le process est ralenti. Il faut que cela soit innovant, mais pas trop…» En attendant que le vent souffle plus favorablement, Okahina s’est déjà tourné vers l’étranger avec des projets ambitieux aux États-Unis, au Brésil, en Suisse et en Espagne. « C’est là qu’on trouve une dynamique », confirme Héquily.

Avec le temps, la résistance s’organise internationalement, notamment avec la mise en place, par la connexion des collectifs et associations de lutte pour l’environnement, d’un protocole commun où les infos et données sont échangées. La France ne fait plus exception au blocage puisque la révolte gronde et s’organise face aux projets naissants de piscines à vagues à Alicante et Barcelone, en raison de l’eau devenue rare dans cette partie de l’Espagne. C’est aussi le cas au Brésil, où même le gouvernement se place en première ligne, en Californie, à Hawaï et en Suisse.

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