La réalité du surf n’est pas toujours conforme au rêve qu’il porte. Ce décalage sera toujours plus grand. Sa beauté n’est malheureusement pas accessible à tous. Ses valeurs, sa symbolique, l’homme ou la femme sur la vague se nourrissant de son énergie ne restent souvent qu’un rêve ou une sensation très fugace comparée au chemin pour en arriver là. Sur le spot, le surfeur peut déjà prendre du plaisir dans la « recherche » (The Search, longtemps thème de campagne de Rip Curl, une des principales « marques » de surf), c’est-à-dire la démarche qui consiste à chercher la vague parfaite, à attendre les bonnes conditions, puis à être au bon endroit au bon moment. Le surfeur peut déjà connaître une satisfaction personnelle à se mettre simplement à l’eau et « être » au line-up dans un environnement fabuleux, la mer en mouvement. Mais il peut raisonnablement déchanter en faisant l’expérience de la promiscuité (l’excès de monde à l’eau) comparée à la ressource (les vagues, leur nombre limité et leur sublime incertitude). Cette rivalité à l’eau se traduit parfois par un localisme exacerbé avec la violence de certains et l’exclusion d’autres. Aux bons, les bonnes vagues, aux autres les miettes. Tel est trop souvent la vraie réalité du surf. Dans ce contexte, un surfeur débutant peut passer des heures à l’eau sans être en position de réussite. Qui plus est, « si la pratique du surf se féminise peu à peu, elle reste néanmoins une activité́ largement sexuée, ou les normes de masculinité́ sont fortes. » (Anne Sophie Soyeux, Surfeur, l’être au monde).
On pourrait se contenter de dire que le surf est un parcours initiatique, pour ne pas dire un parcours du combattant, une sorte de sélection naturelle. Les surfeurs ont toujours été soucieux d’authenticité. À l’heure où la société prône toujours plus l’égalité des chances, le surf devient moderne, olympique. S’il est évident que le surf sera toujours une pratique réservée à une élite, possédant une aptitude particulière et (espérons-le) une philosophie appropriée – on peut tout de même œuvrer pour que le surf soit aussi en parallèle, une pratique plus ouverte, plus égalitaire, plus accessible. Un sport promouvant des valeurs plus féminines que masculines, d’altruisme et de compassion. L’adoption de ces valeurs pourrait être si utile pour l’avenir incertain de l’humanité.
La vague OKAHINA WAVE va dans cette direction. Le surf est un sport trop beau, trop symbolique pour se laisser amoindrir par cette sorte de sélection négative qui a lieu sur un spot ; cela barre la route aux débutants, aux enfants, aux femmes et à tous ceux qui considèrent qu’ils n’ont pas à se battre contre les autres au sens figuré comme au sens propre pour atteindre un objectif aussi désirable soit-il. Celui qui consiste à prendre une vague. Une vague artificielle « fabriquée» par l’homme est intrinsèquement liée au surf. Chacun pourra toujours choisir sa forme de pratique, son spot, son heure. Dans un contexte de développement du surf, si l’on veut bien admettre qu’une pratique fermée sur elle-même et sur le monde a vocation à se scléroser, une vague artificielle peut ouvrir au surf d’autres horizons.