Passionné de sports de glisse, Laurent Hequily va tester avant l’été un système innovant et inspiré de la nature. Objectif : générer des vagues à surf sur différents types de plans d’eau. Le concept a déjà reçu des marques d’intérêts. Pour la meilleure vague artificielle, la compétition est mondiale.
Observer le va-et-vient des vagues peut être une bonne source d’inspiration… surtout quand on veut en créer une ! Passionné de sports de glisse et de voyages, le Français Laurent Hequily planche depuis plusieurs années sur un projet de vague artificielle semi-naturelle. Sa start-up, Waveriding Solution, récemment fondée à Bordeaux et les premiers brevets déposés en juillet 2015 ont marqué le début de l’aventure Okahina Wave.
Surf au-dessus d’un atoll flottant
Son idée : reproduire le mouvement d’une vague en s’inspirant des mécanismes hydrauliques naturels des atolls, ces lagons entourés de récifs coralliens qu’on trouve dans les océans tropicaux. Difficile d’en savoir vraiment plus, Laurent Hequily souhaite protéger certains détails avant un premier test à l’échelle un quart prévu avant l’été 2016, dans un bassin situé dans la région Aquitaine.
Pour le moment, seules quelques vues d’artiste rendent compte du résultat final : une onde diffusée à l’intérieur d’une structure souple en forme de cercle. L’installation peut être déposée dans une grande variété de plans d’eau, en milieu marin « calme » comme dans une baie, dans un lac ou un plan d’eau artificiel. A la clé, une vague de deux mètres toutes les 15 secondes pour un temps de surf d’une trentaine de secondes.
Le phénomène naissant des « Surf Parks »
« Sur un spot comme Lacanau en Gironde, on estime que les conditions pour surfer sont réunies seulement 120 jours par an, soit un tiers de l’année », explique-t-il pour justifier cet engouement naissant.
Certains proposent des installations proposant des vagues statiques (comme ici à Bordeaux). Un succédané pour surfeur en mal de vagues. »C’est comme comparer le mini-golf au golf, c’est sympa mais les sensations sont complètement différentes du surf classique ! »
En 2003, Laurent Hequily teste une autre technologie de type dynamique. Une vague en mouvement dans un espace fermé. « C’était à Typhoon Lagoon Disney en Floride, à l’époque une des plus puissantes piscines à vague au monde. Elle n’a d’ailleurs pas été conçu à l’origine pour le surf. Il fallait débourser un peu plus de 2300 euros pour une centaine de vagues avec des sensations décevantes : la vague s’écrase, elle n’envoie pas. »
Mais ces dernières années, des progrès technologiques ont été réalisés. L’entreprise espagnole Wavegarden a lancé en 2015 son premier « surf park », le Surf Snowdonia, situé au Pays de Galles. Il annonce proposer la plus grande « piscine à vague artificielle au monde ».
Un autre parc sera bientôt ouvert à Austin, au Texas et d’autres aux quatre coins du monde. En Australie, devrait bientôt voir le jour un projet de vague circulaire.
La superstar mondiale Kelly Slater, plusieurs fois champion du monde de surf, est lui aussi dans la course. Il a dévoilé en décembre dernier sa « wave machine », localisée en Californie.
Une autre vague artificielle est possible
Pour Laurent Hequily, ces expériences sont autant de prototypes qu’il n’aura pas à réaliser… Car pour lui, ses concurrents ne sont pas sur la bonne piste. « Déjà le terme de ‘surf park’ me choque : parquer les surfeurs cela me semble incompatible avec le sentiment de liberté qui caractérise ce sport », souligne-t-il.
Au-delà de l’appellation, c’est surtout le « coût écologique » de ces installations qu’il déplore : « Pour Snowdonia, la réalisation du bassin a nécessité 23 000 mètres cubes de béton, un matériau très carboné. Cela représente l’équivalent de la quantité nécessaire pour fabriquer 200 maisons individuelles ! »
Malgré son épaisseur, le béton est un matériau fragile, sujet aux fissures. Les vagues artificielles le soumettent à de grandes pressions et des poches de gaz peuvent se former sous la géomembrane placée pour assurer l’étanchéité du bassin. Sans parler des énormes quantités d’eau à filtrer et à traiter… « A Austin, le bassin contient l’équivalent de 15 piscines olympiques ! »
LES ÉTAPES DU PROJET TESTS ET FINANCEMENT
Laurent Hequily a financé les premiers investissements sur ses fonds personnels, de quoi réaliser des études de marchés, les premières études techniques, les brevets. Après avoir séduit les premières entreprises partenaires (Malvaux, UWL, Audavia ou encore Ytong), une première levée de fond de 200 000 euros est sur le point d’être bouclée auprès principalement de chefs d’entreprise. » Ils apportent, en plus de leurs fonds, des expertises spécifiques en finance, en ingénierie touristique, en méthodologie de R&D, en industrie nautique et en industrie de la glisse », explique Laurent Hequily. Une fois les premiers tests réalisés sur le prototype à échelle 1/4 en cours de montage, une deuxième levée de fonds plus conséquente est déjà en cours de préparation et doit permettre de débloquer entre 2 et 2,5 millions d’euros. Notre inventeur, qui rêve d’un autre monde, cherche des investisseurs de long terme dans le but « de réconcilier la culture de l’argent avec la protection de la planète ».
« Sur ce point, Okahina Wave n’a pas ce problème puisque la structure peut être installée dans un plan d’eau naturel », indique Laurent Hequily. Le recours à des matériaux composites, produits localement en Aquitaine et facilement recyclables, est un autre avantage pour réaliser un générateur de vagues respectueux de l’environnement.
En concentrant son mouvement sur un récif circulaire, le système limite sa consommation d’énergie. Une fois la vague lancée, les modules n’ont plus qu’à l’accompagner, à la différence de modèles concurrents contraints d’attendre entre chaque vague et de relancer la machine pour chaque session.
Un partenariat avec l’entreprise française Ciel & Terre, spécialisée dans les panneaux solaires flottants, est également prévu pour permettre à Okahina Wave de produire davantage d’énergie qu’elle n’en consomme.
Laurent Hequily glisse cette comparaison : son invention serait assimilable aux remontées mécaniques qui se « fondent naturellement dans le décor des pistes de ski », alors que les « surfs parks » se rapprochent davantage des ski dômes, ces installations géantes qu’on trouve par exemple à Dubaï.
Une source de fraîcheur pour les smart cities émergentes
Autre originalité du concept : son modèle économique. Il ne sera pas qu’un paradis (artificiel) pour surfeurs. Le designer Thierry Gaugin, ancien collaborateur de Philippe Stark, a été choisi pour concevoir des espaces d’accueil, bars et restaurants autour de la structure.
Quant à l’invention, elle est entièrement démontable et transportable. Elle pourra être exportée partout dans le monde, depuis sa base en Aquitaine.
Le technopole du Futuroscope, qui s’impose comme une source d’inspiration pour les futures smart cities, en Inde notamment, soutient son projet et veut réfléchir à l’intégration de la vague en ville. Elle permettrait la diffusion de « micro-particules de fraîcheur » dans des métropoles surpeuplées et contribuerait également à l’oxygénation des bassins. Ce concept qui fait de la vague artificielle une attraction aussi bien en bord de mer qu’en centre-ville a déjà suscité des intérêts dans de nombreux pays, du Brésil aux Emirats Arabes Unis, en passant par le Maroc et le Mexique, la Chine et le Vietnam.
Le choix de placer un des visuels dans la baie de Tokyo n’est pas non plus dû au hasard. La capitale japonaise accueillera en effet les Jeux Olympiques en 2020 avec le surf probablement en sport de démonstration. De quoi patienter avant de s’imposer comme une véritable discipline olympique… et pourquoi pas ainsi voir les plus grands champions se défier sur la vague écologique de Laurent Hequily à Paris en 2024 !